mardi 2 novembre 2010

mi-temps

À bien y regarder, on a rarement l'occasion d'être au milieu de quelque chose, de pouvoir contempler deux moitiés égales d'une même entité - alors, quand cette entité est votre propre vie, que dire de l'occasion de regarder des deux côtés !...
Il y aura 17 ans cette semaine que j'avais mon premier rendez-vous avec Emmanuel. 17 ans que j'ai pris mon premier cours de chant. J'avais dix-sept ans. À partir de la semaine prochaine j'aurai passé plus de temps dans ma vie à chanter qu'à ne pas le faire. Et je me dirigerai tranquillement vers mon trente-cinquième anniversaire.
17 ans de chant ! dont 11 ans à n'avoir que ça dans la vie pour la gagner, sa vie. Et pourtant, toujours les mêmes doutes, les petites victoires et les grandes défaites (dans ma tête, pour la plupart), les avancées et les reculades, les joies et les peines. Comme dans la vie, en quelque sorte ?
Aujourd'hui c'est le Jour des Morts. Je pense à Emmanuel, au garçon que j'étais alors et à celui que je suis maintenant, et tout cela me va finalement plutôt bien.

lundi 31 mai 2010

Emmanuel

Je me souviens d'un jour, quand j'étais petit, à l'école primaire, avoir annoncé à ma mère que, quand j'aurais des enfants, je les appellerais "Sophie" ou "Emmanuel", du nom de mes deux meilleurs copains d'alors.
Je ne crois pas les avoir revus depuis que je suis entré au collège, à 15 kilomètres de la ville où nous allions ensemble à l'école : quinze kilomètres qui nous ont séparés. C'était il y a 25 ans et, si jamais nous nous sommes croisés, je n'en ai aucun souvenir. Je revois le sourire de Sophie, les tâches de rousseur et les oreilles décollées d'Emmanuel. On murmurait que sa mère était "dépressive", et moi j'imaginais qu'elle pleurait toute la journée.

Mes parents continuent parfois de me donner des nouvelles de l'un ou de l'autre : "Sophie a eu des jumeaux, elle vit en Polynésie", "je suis allé consulter Emmanuel - ah, je ne t'avais pas dit qu'il avait ouvert son cabinet à Montournais ?..."
Aujourd'hui encore ma mère m'a donné des nouvelles d'Emmanuel ; ce n'est pas difficile d'en avoir d'ailleurs, son nom est dans tous les journaux. Emmanuel a été retrouvé hier pendu, sa femme et ses quatre enfants mortellement blessés, dans leur maison.
Je me sens tout drôle.

samedi 17 octobre 2009

Hier, Ali Bongo, le fils de son père, prenait officiellement ses fonctions ("élu" qu'il avait été...) au Gabon. Bientôt, Jean Sarkozy, le fils de son père, sera "élu", lui aussi, à la tête de l'EVAD. Comme quoi la Françafrique n'est pas qu'un souvenir - mais pas dans le sens qu'on imaginait...

samedi 8 août 2009

pages blanches

Colette est certainement une de mes amies les plus chères, un des âmes avec lesquelles je suis le plus en communication, en toute simplicité.
Notre rencontre était amusante : comme j'arrivais à l'hôtel pour trois jours d'enregistrement (et c'était à l'époque où les enregistrements me mettaient encore plus mal à l'aise qu'ils ne le font aujourd'hui : j'étais donc perclu de peur), l'organiste me présente "Colette, une amie". Je lui ai répondu : "vous faîtes un beau métier, madame". Nous ne nous sommes plus quittés. C'était aussi simple que ça. C'était il y a 4 ans.
Je dois à Colette des remerciements éternels pour m'avoir fait retourner dans les musées - et y prendre plaisir ! j'avais, pour je ne sais quelle raison, développé un complexe face aux musées, comme d'autres face à la musique classique : trop compliqué pour moi, pas assez de culture, trop grand pour ne pas m'y perdre. Comme j'accompagnais Colette à une expo Bonnard au Musée d'Art Moderne, le choc, l'immense choc : non seulement je n'étais pas perdu, mais ça me faisait plaisir, mais je pouvais dire que tel ou tel tableau me touchait plus et pour quelle raison - je n'étais donc pas le crétin fini que je m'imaginais être, et ça a été une révélation. Depuis je hante les musées pendant des heures, libre de m'ennuyer devant un chef d'oeuvre, de traverser une salle au pas de course ou de m'extasier devant un tout petit tableau dans un coin, d'y revenir plusieurs fois et de l'emporter dans mon coeur en trophée.

Après l'avoir fait avec les musées, Colette réussira-t-elle à me réconcilier avec la poésie ?! je reçois de temps en temps par la poste un livre, juste pour le plaisir de faire plaisir. C'est toujours un livre de Christian Bobin, que Colette admire passionnément. Un petit livre, d'une centaine de pages, avec beaucoup de blanc dedans - d'espace pour rêver, sans doute.
J'ai reçu il y a quelques semaines un nouveau livre de Christian Bobin, La Dame blanche. Je l'ai ouvert avant-hier - et quel choc ! je suis tombé sur le personnage d'Emily Dickinson, dont je connaissais seulement le nom (elle a été maintes fois mise en musique). Ce petit livre la met en scène, dans une biographie poétique et éparse, posant une ligne ici, un paragraphe là, pour composer un portrait en camaïeu de blancs de cette dame blanche comme un lys. Et me voici désormais hameçonné, voulant en savoir plus - et lire des poèmes d'Emily Dickinson.
Peut-être cette rencontre tournera-t-elle court, mais j'ai la sensation que ce livre va marquer pour moi un moment important de ma vie. Je le devrai à Colette, encore une fois.

Christian Bobin, La Dame blanche ; Gallimard, collection Folio ; 125 pages, 4,30 €.

vendredi 31 juillet 2009

petite histoire

C'est toujours drôle (entendez : étrange) quand on est rejoint dans notre petite histoire par la Grande, la collective - quand on connaît personnellement quelqu'un décédé dans une catastrophe aérienne, ou quand on a un ami atteint de la Grippe A H1N1.
C'est mon cas : mon cher Raphaël en a été atteint, sans aucune gravité fort heureusement. C'est la première personne de mon entourage ; certainement pas la dernière.
Il va mieux.

mardi 14 juillet 2009

18 juillet 1999

C'était il y a dix ans, presque jour pour jour. Je faisais mes débuts professionnels. J'ai considéré comme tel mon premier concert avec un ensemble particulièrement réputé, dont la confiance m'honorait immensément, et me mettait, à mon avis, dans "la cour des grands". C'est de là, de ce premier engagement, que tout a découlé : des auditions que j'ai eu le courage de passer, les productions qui se sont enchaînées grâce à ça, la vie gagnée dans et avec la musique - tout ça grâce à ce premier concert, le 18 juillet 1999 à Beaune.
En arrivant à la gare (je n'en menais pas large), j'ai tout de suite vu une fresque représentant De Funès et Bourvil (oui, une scène de La Grande Vadrouille se déroule dans les Hospices de Beaune !) et je me suis dit que j'étais un peu sous leur protection. Ca m'a (à peine) rassuré.
Je me souviens de ma peur lors de ma première répétition "pro", du soupir de soulagement que j'ai poussé (et qu'un ami m'a dit avoir entendu du fond de l'édifice !) la dernière note du concert chantée - de tout ça, comme si c'était hier. Je me disais alors que je n'oublierais jamais rien, ni un lieu ni un collègue ni un programme ; c'était faux, en dix ans on oublie plein de choses - mais pas cette première soirée.

J'ai du mal à croire que 10 ans ont vraiment passé depuis cet acte fondateur de la seconde partie de ma vie. Et pourtant beaucoup de choses en témoignent : des bulletins de salaire et des partitions qui s'entassent dans mes rayonnages, plus de deux dizaines de disques enregistrés (même si je ne les ai plus pour la plupart : je les ai donnés, tellement se réécouter est un supplice), beaucoup de beaux souvenirs, quelques très beaux. Des émotions, des colères, des déceptions, énormément de joies... 1à ans de ma vie se résument là, en ce moment. C'est étrange.

lundi 13 juillet 2009

franco-belgo-suisse

Je ne me plains pas, je gagne correctement ma vie. Mais quand je vois ça, ça me donne envie de hurler. Moi, le prochain 14 juillet, je vais peut-être me délocaliser à Gstaad...